cours : L'Asie du Sud et de l'Est, les enjeux de la croissance

Publié le par mathieu

Deux sujets de composition sont possibles :

- L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la croissance

- Chine et Japon : concurrences régionales, ambitions mondiales

Il n’y a pas de croquis sur ce sujet.

Introduction

L’Aise du Sud et de l’Est pèse 55% de la population mondiale (4 milliards d’êtres humains) et 30% du PIB mondial : c’est la région du monde où les phénomènes de croissance démographique puis de croissance économique ont été les plus puissants ces dernières décennies. Il faut cependant constater que la situation n’a rien d’exceptionnel : jusqu’au 18ème siècle au moins, ce sont bien ces deux foyers de peuplements qui ont concentré la majorité du peuplement humain mais aussi les centres productifs mondiaux, voire la technologie avancée.

Problématique du cours : quels sont les liens entre croissance démographique et croissance économique en Asie du Sud et de l’Est, les « foules » d’Asie sont-elles un « poids » ou un « facteur » de développement économique ? On peut s’interroger aussi sur la qualité de ces croissances : les rythmes accélérés sont aussi la traduction de « fuites en avant » peu propices à un développement durable.

La comparaison de la Chine et du Japon est intégrée dans le déroulement du cours à la fin de chacune des parties.

1 : Les stratégies de croissance en Asie de l’Est et du Sud

1.1 : La maîtrise de la démographie

L’Asie porte les deux foyers de peuplement les plus importants du monde, c’est le résultat d’une histoire très ancienne, vieille de plusieurs millénaire et liée à une mise en valeur agraire très intensive (riziculture, irrigation, centralisation du pouvoir) associée à de fortes densités. Les deux Etats les plus peuplés de la planète se trouvent au centre de ces foyers : la Chine (1,3 milliards) et l’Inde (1,2 milliard) et plusieurs dépassent les 100 millions (Indonésie, Pakistan, Bangladesh, Japon (130 millions)

La transition démographique a été rapide et intense : la Chine par exemple a doublé sa population entre les années 50 et aujourd’hui notamment grâce à la baisse du taux de mortalité. Certains Etats restent sur des taux d’accroissement importants notamment en Asie du Sud (avec un taux de natalité élevé). Les politiques publiques ont cherché à limiter le « poids » démographique de manière plus ou moins contrainte, avec la politique « de l’enfant unique » en Chine ou les campagnes de stérilisation forcée en Inde.

Le rôle de ces politiques volontaristes doit cependant être relativisé. Là où elles ont fonctionné, l’évolution démographique a surtout dépendu de phénomènes sociaux plus profonds, liés à la modernisation des sociétés en question (accès à l’éducation, statut des femmes, urbanisation).

En Asie de l’Est, les sociétés sont engagées même dans une phase post-transitoire (avec un taux de fécondité faible) qui peut ressembler à ce que connait l’Europe, avec des phénomènes de vieillissement.

Les situations démographiques sont donc très contrastées : l’Inde poursuit sa croissance démographique et sa population sera plus nombreuse que la population chinoise d’ici 2025 ; à l’inverse, la population japonaise n’assure plus sa reproduction et diminue. La population chinoise a vu sa fécondité réduire fortement, les générations adultes actuelles font moins d’enfants que n’en faisaient les générations de leurs parents et, mécaniquement, la population a tendance à vieillir. Les défis sociaux ne sont donc pas les mêmes, il s’agit à des degrés divers de faire face à un afflux toujours massif de jeunes générations et à un afflux de générations plus âgées dont il va falloir financer les retraites, l’accès aux soins spécifiques ou prévoir le maintien en activité.

1.2 : L’industrialisation comme réponse à la question démographique

A l’échelle historique, les gains démographiques étaient absorbés par un perfectionnement des techniques agricoles qui permettaient de nourrir plus de monde. Cela explique les hautes densités démographiques dans certaines campagnes.

Pour faire face à l’accroissement démographique rapide, les Etats ont cherché à améliorer leur productivité économique. Ce fut le cas en Inde avec la Révolution Verte dans les années 60, l’amélioration des rendements (variétés nouvelles, irrigation, chimie) a permis d’écarter le spectre des famines.

Les gains de productivité les plus spectaculaires ont été obtenus cependant dans l’industrie, en cherchant à s’aligner sur les standards occidentaux. Cela commence dès la fin du 19ème siècle au Japon (Ere Meiji) et le phénomène se diffuse et s’accélère à partir des années 60-70 avec les Dragons Asiatiques (Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong) et plus récemment avec la Chine. Le développement de ce capitalisme industriel repose sur deux acteurs clé : des Etats solides qui imposent un fort consensus social et des grands groupes qui s’appuient sur de véritables dynasties qui trouvent leur racine dans une histoire ancienne.

Ce processus d’industrialisation a permis d’absorbe une partie de la main d’œuvre disponible et d’accroître le niveau de vie… à moins que ce ne soit l’inverse : l’arrivée sur le marché de l’emplois de jeunes adultes a permis le décollage d’industries d’exportation dont l’avantage comparatif fondamental reposait sur la faiblesse de leur coût salarial.

Ce processus d’industrialisation commence sur des industries de main d’œuvre (textile, plasturgie, montage industriel) mais les gains financiers, les savoir-faire, le capital humain sont réinvestis dans des secteurs industriels de plus haute gamme (industrie lourde, automobile, électronique). On parle d’un modèle de croissance « en vol d’oie sauvage ».

Ce capitalisme industriel très dynamique est donc capable d’une très grande adaptation. L’Asie ne se contente plus d’être « l’atelier du monde » au service du monde riche et développé. Elle impose déjà certains de ses modèles : le « low cost » est devenu une forme d’accès à la consommation sur toute la planète, y compris dans les pays riches, où les produits asiatiques imposent aujourd’hui des modèles alternatifs, moins coûteux, plus frugaux et plus souples. La réussite de Samsung est de ce point de vue exemplaire : les entreprises européennes de téléphonie mobile ont été chassées de la scène commerciale, le géant américain Apple se concentre sur les produits les plus innovants (technologiquement et commercialement) tandis que le groupe coréen a trouvé sa place en proposant des produits à des coûts de production moindres et plus adaptés à des clientèles moins fortunées. On peut citer l’exemple de la Nano de Tata (moins de 1 500 €) et de frigidaires compacts adaptés à une clientèle pauvre et rurale (moins de 50€). Le micro-crédit dans le domaine financier.

1.3 : Des résultats inégaux

La croissance démographique et la croissance économique sont donc des processus intimement liés et l’inégalité des rythmes entre chaque pays explique en grande partie leurs résultats inégaux. Globalement l’Asie de l’Est, en raison du rôle pionnier du Japon dans le phénomène d’industrialisation et de la précocité de la transition démographique, a connu des résultats plus spectaculaires que l’Asie du Sud : l’Inde reste une société très rurale, faiblement productive et sa démographie est une contrainte importante en matière de développement. C’est vrai aussi de tout le sous-continent indien, qui ne joue un rôle important que dans le secteur industriel du textile. L’Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie, Philippines) est dans une position intermédiaire.

Les deux réussites les plus spectaculaires sont en Asie de l’Est avec la Chine et le Japon.

Focus : Chine, Japon : deux ambitions mondiales

  • Le Japon a désormais derrière lui plus de 150 ans de tradition industrielle, c’est une économie très développée, du Nord et très diversifiée, la première sur certains secteurs des technologies de pointe et avec des grandes entreprises qui sont des acteurs majeurs de l’économie financière mondialisée. Cette montée en puissance s’est heurtée aux Etats-Unis dans le Pacifique (1941-1945) mais elle a été remobilisée par ceux-ci pour affronter l’URSS en Asie. Depuis les années 90, la croissance japonaise marque le pas et, comme en Europe, au-delà des mécanismes purement économiques, on peut expliquer cette situation par le faible dynamisme démographique.
  • La Chine est revenue tardivement sur la scène internationale, avec toutes les ambiguïtés déjà signalées dans le cours d’histoire : il s’agit de rattraper le retard technologique et de garantir au pays son indépendance. L’accueil des entreprises étrangères d’abord sur les Zones Economiques Spéciales a été une aubaine pour les grands groupes capitalistes mais la Chine a su en tirer elle aussi profit pour monter en gamme : elle est un acteur de premier plan pour des activités industrielles de main d’œuvre (textile, montage électronique, mécanique), elle a des prétentions dans l’automobile, l’aéronautique ; elle renforce ses positions dans l’économie de la connaissance ; elle joue un rôle financier important grâce à ses excédents commerciaux (achat de bons du Trésor américain, achat de participation dans des entreprises en Europe et aux Etats-Unis). Le pays est aujourd’hui à la croisée des chemins : son économie ne peut continuer de grossir aux même rythmes (plus de 10% par an) car la demande mondiale n’est pas infinie, les politiques économiques sont redéployées vers la satisfaction du marché intérieur mais beaucoup reste à faire dans un pays qui a peu de protection sociale, pas de système de retraite et où les services publics restent chaotiques.
  • Les deux pays se ressemblent dans leur stratégie d’accès à la puissance « par l’économie », en « faisant profil bas » sur le plan politique. Ils ont su s’imposer face à un Occident qui avait jusqu’alors le monopole de l’industrie, du commerce et de la finance mais ils payent aussi un déficit en matière de puissance politique : le Japon est un vaincu de 1945, la Chine a eu besoin d’un siècle pour trouver une certaine stabilité politique. Les deux pays diffusent certaines productions culturelles (la J pop) mais ils ne sont pas des puissances normatives, créatrices de valeurs, de normes ou de droits face à ce même Occident. Enfin, la question démographique pèse sur la trajectoire future de ces pays : le Japon voit sa population diminuer et vieillir, la Chine risque « d’être vieille avant d’être riche » : ces questions internes sont des limites objectives à leur rôle comme « puissance mondiale ».

2 : Les formes de la croissance

Comment s’organise et se distribue la croissance économique et démographique dans l’espace asiatique ?

On procède par changement d’échelles en repérant que cette croissance est un phénomène très contrasté spatialement.

2.1 : A la grande échelle : la croissance accentue l’urbanisation

Les phénomènes d’industrialisation et de modernisation ont modifié la distribution de la population entre villes et campagnes : les campagnes ont longtemps absorbé le surplus démographique. Cela reste vrai dans certains pays où la pression démographique continue de monter dans les espaces ruraux mais ce sont surtout les villes qui absorbent désormais ces surplus.

L’Asie est peu urbanisée en comparaison des pays développés (42%) mais la transition urbaine est très rapide et elle est déjà aboutie dans des pays comme le Japon (2/3) ou en Corée. La Chine a dépassé la moitié mais des pays comme l’Inde restent encore des pays majoritairement ruraux.

Le phénomène le plus spectaculaire est la constitution de mégalopoles impressionnantes : les six plus grandes villes mondiales sont des villes asiatiques et dépassent les 20 millions d’habitants (Tokyo, 35 millions, Guangzhou, Jakarta, Shanghai, Séoul, Dehli).

Les grandes métropoles asiatiques sont des hauts lieux de la mondialisation, elles sont dotées d’infrastructures leur permettant d’être connectées à l’espace mondial et de jouer un rôle productif important, Tokyo est la 3ème place boursière mondiale, Shanghai un centre d’impulsion de l’industrie, Mumbai joue un rôle important dans la production cinématographique (le Bollywood).

Cependant, la croissance rapide est parfois synonyme d’anarchie : dans les régions les moins développées, l’exode rural alimente ces villes avec une population de culture rurale, pauvre et peu formée qui se retrouve dans les bidonvilles et les activités informelles.

Il faut néanmoins nuancer ces constats, des rééquilibrages s’opèrent. La croissance urbaine ne se réalise pas uniquement au profit des grandes mégalopoles portuaires : des pôles secondaires s’industrialisent prennent le relais des grandes villes qui se spécialisent alors plutôt sur des activités tertiaires, les espaces ruraux denses alentours accueillent aussi des activités non-agricoles, ce sont les régions « desakota » (littéralement ville/villages).

2.2 : A l’échelle régionale : la croissance conforte la logique de littoralisation

« L’Asie des foules » n’est pas un phénomène général : certaines régions sont traditionnellement sous-peuplées et le restent, les régions les plus montagneuses et les déserts. Les hautes densités sont surtout liées aux questions de la mobilisation de l’eau pour satisfaire les besoins de systèmes agricoles très productifs : on les trouve donc sur les bassins des grands fleuves, dans les deltas et sur les façades maritimes bien arrosées notamment par les moussons.

L’industrialisation accentue cette logique : elle se localise préférentiellement sur les littoraux, près de ports capables de gérer des flux de matières premières et d’énergies importants et d’exporter vers les marchés mondiaux la production locale. On peut rappeler le succès de Shenzhen par exemple.

Les dynamiques régionales obéissent à des logiques parfois très contrastées.

Au Japon, on oppose ainsi un Japon de l’Endroit, moderne, urbain et industriel, orienté sur la façade Pacifique et centré sur la grande région urbaine de Tokyo-Nagoya-Osaka (45% de la population, 60% de la production) au Japon de l’Envers, plus montagneux et rural et qui se présente comme un espace patrimonial pour l’identité japonaise.

En Chine, le contraste entre les espaces littoraux et l’intérieur du pays est un objet de préoccupation politique. Les autorités cherchent à diffuser vers l’intérieur du pays le processus d’industrialisation et de modernisation. C’est le cas notamment avec l’aménagement de la vallée du Yangzi mais aussi avec les projets de mise en valeur voire de colonisation han du Xinjiang (dans une province frontalière, désertique et peuplée traditionnellement par les ouïgours musulmans).

2.3 : A l’échelle continentale : une aire de puissance de l’économie mondiale

La croissance a dessiné un axe économique majeur qui s’étire du Japon jusqu’au détroit de Malacca, le long d’un axe maritime sur lequel s’intercalent, en chapelet, de grandes métropoles portuaires. On peut y voir l’émergence d’une grande région urbaine à l’échelle asiatique, une mégalopole en formation.

Cette route maritime permet d’assurer les approvisionnements et les exportations des économies industrielles, notamment leurs relations avec le PMO (gaz, pétrole), l’Europe ou les Etats-Unis. Cette route joue de plus en plus un rôle dans l’organisation du commerce régional : le Japon a joué un rôle initiateur en délocalisant une partie de sa production vers les Dragons et ceux-ci ensuite vers la Chine par exemple. La région connait ainsi un phénomène de division internationale du travail, 55% des échanges internationaux de ces pays sont des échanges régionaux : on reconnait les dynamiques de l’intégration régionale.

Focus : Chine, Japon : les complémentarités régionales

Le PIB du Japon et de la Chine représente à lui seul 70% du PIB régional. Depuis l’ouverture de la Chine, les relations économiques entre les deux pays ne cessent de s’intensifier, les deux pays étant le premier partenaire respectif de l’autre. Il faut inclure à ces relations sino-japonaises les relations avec Taïwan et Hong-Kong : les diasporas chinoises très fortes notamment sur ces deux territoires jouent un rôle d’intermédiaires dans l’organisation de ces relations régionales.

Les deux pays cherchent le moyen de consolider cette intégration commerciale par une intégration plus institutionnelle notamment dans le cadre de l’ASEAN + 3 (les pays membres de l’ASEAN : l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est plus la Chine, le Japon et la Corée du Sud). Cette intégration vise au développement du libre-échange mais aussi à la stabilisation financière de la région.

3 : Les limites de la croissance

La croissance économique asiatique a été très rapide ce qui ne va pas sans poser de question en terme de durabilité.

3.1 : Risques et ressources : les milieux sous tension

Le développement industriel et agricole se fait largement en épuisant les ressources, notamment les ressources agricoles et forestières mais aussi les ressources en eau. L’Asie ne peut plus compter sur ses seules ressources pour subvenir à ses besoins : le Japon est très dépendant d’un pétrole complétement importé par exemple, la Chine recourt encore massivement au charbon mais au prix d’une pollution importante. Les pays asiatiques sont lancés dans la course au landgrabing, c’est-à-dire à l’achat ou à la location de terres en Asie du Sud-Est mais surtout en Afrique voire au Brésil.

Les pollutions de l’air et de l’eau sont catastrophiques dans bien des pays : le fameux masque anti-pollution est devenu un marqueur des foules asiatiques dans les grandes villes de Chine, de Japon ou de Corée.

Les émissions de GES sont les plus importantes dans cette région du monde et la question globale du réchauffement climatique passe par la révision des modèles de croissance asiatique. On ne peut pas être que négatif, une prise de conscience réelle existe, dans les opinions publiques mais aussi auprès des autorités restées longtemps sceptiques.

Les problèmes sont en tout cas devenus des enjeux globaux. L’Asie est le continent le plus peuplé, le plus densément peuplé mais aussi le plus exposé aux aléas naturels, or cette vulnérabilité s’accroit : les populations se concentrent toujours plus dans des villes mal protégées, sur des littoraux fragilisés par l’élévation du niveau des mers.

L’exemple du Bangladesh est celui d’un pays qui risque à l’avenir de fournir le plus gros contingent de « réfugiés climatiques » : la majorité des 156 millions d’habitants vit dans les régions littorales situées sous la mer, soit dans les bidonvilles de Dhaka (15 millions) ou dans la région densément peuplée du delta.

3.2 : Des modèles politiques et sociaux sous tension

La croissance asiatique a permis d’acheter une relative paix sociale, parfois au prix tout de même de régimes dictatoriaux très répressifs (Indonésie, Chine) et même « la plus grande démocratie du monde » connait des pratiques autoritaires. La question sociale est loin d’être réglée en réalité en Asie : les tensions en Birmanie, en Thaïlande le rappellent. Les violences communautaires en Inde peuvent également s’expliquer en partie comme une instrumentalisation de la question religieuse par des forces politiques extrémistes qui jouent sur les frustrations et les mécontentements accumulés par des populations écartées de la croissance. La question sociale est la grande inconnue de l’évolution de la Chine : un tiers de la population a su se constituer en classe moyenne mais des fractions très importantes d’ouvriers des chantiers, des usines notamment les mingongs vit dans des conditions très compliquées et se mécontentement s’exprime par des grèves et des heurts parfois violents. Les autorités communistes parviennent à canaliser et à réprimer ce mécontentement mais jusqu’à quand ?

De manière plus générale, la modernisation rapide des sociétés asiatiques remet en question les modèles sociétaux traditionnels. En Inde, les « Intouchables » refusent le maintien déguisé des anciens privilèges de castes et certains participent à la rébellion armée naxalite. Le modèle de solidarité familiale, très fort dans le cadre de l’économie rurale, et porté par les valeurs religieuses du confucianisme en Chine par exemple, est soumis à rude pression : ce modèle continue d’être sollicité pour pallier aux manques de la politique sociale (investissement dans les études, épargne) mais il est menacé par la question démographique (enfant unique, vieillissement). Le déficit de femmes qui est lui aussi le résultat des contradictions entre les valeurs traditionnelles et la modernité, montre aussi le sentiment de malaise dans ces sociétés.

3.3 : Les équilibres géopolitiques sous tension : Chine et Japon au cœur des rivalités de puissance

Il existe un passif et des contentieux importants entre les populations et les Etats de la région. Pour mémoire, on peut rappeler les épisodes sanglants du conflit sino-japonais (1936-1945) ou du partage indo-pakistanais en 1947. Le choc des nationalismes a été en partie canalisé par la mobilisation des énergies aux lendemains des indépendances, sur la construction des nouveaux Etats et par l’industrialisation de cette partie du monde. Mais les tensions militaires n’ont jamais cessé et les contentieux restent et peuvent servir de point de départ à de nouvelles conflagrations :

  • Les contentieux territoriaux et frontaliers sont ravivés par la recherche de nouvelles ressources. La politique de contrôle du Tibet par la Chine s’explique ainsi en partie par sa volonté de contrôler le « château d’eau » himalayen et pour peser sur le partage des eaux des grands fleuves d’Asie du Sud-Est.
  • Les contentieux maritimes se développent autour de certains îlots et de la délimitation des ZEE. Le cas le plus médiatisé est celui des îlots Senkaku/Diaoyutai entre le Japon et la Chine. Les enjeux symboliques sont forts mais aussi les enjeux d’accès aux ressources halieutiques, pétrolières…
  • Enfin, les rivalités sont géopolitiques. Globalement, on peut dire que les Etats-Unis sont présents dans le Pacifique depuis 1945 et qu’ils ont développé un partenariat stratégique avec le Japon mais aussi avec la Corée du Sud, Taïwan ou le Pakistan : ces alliances étaient tournées contre l’URSS mais les Etats-Unis entendent bien les conserver pour contrer la Chine. La Chine de son côté, accroît son potentiel militaire et notamment aéronaval ce qui inquiète ses voisins proches. Sa diplomatie vise également à rompre son isolement stratégique en soutenant le régime nord-coréen, en cherchant des partenariats avec la Russie de Poutine ou avec l’Inde. Ces concurrences géopolitiques ne sont pas pour l’immédiat porteuses de guerres mais elles alimentent une nouvelle course aux armements et des flambées de nationalisme tant dans les opinions publiques japonaises que chinoises.

Conclusion

La croissance économique asiatique est présentée comme un succès voire comme un modèle. Les résultats sont en réalité beaucoup plus ambigus et la croissance a été obtenue avec un forçage environnemental, social et politique qui peut menacer de l’intérieur les pays asiatiques. Le choix de la mondialisation a été une solution pour résoudre après 1945 les problèmes de développement auxquels étaient confrontées les sociétés : le Japon a initié le processus dès la fin du 19ème siècle, la Chine beaucoup plus tard mais avec un rattrapage extrêmement rapide et brutal. La situation économique et démographique appellent aujourd’hui à repenser ces modes de développement.

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